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La République aux enchères

  

Interrogé il y a quelques mois sur la violence dans les banlieues, Lionel Jospin avait utilement rappelé « qu’il ne faut pas confondre la sociologie et le droit ». C’est fort juste, mais il n’en demeure pas moins que l’action de son gouvernement depuis 1997 ne s’est précisément caractérisée que par une totale confusion entre le fait et la norme, dont le traitement de l’affaire corse n’est qu’une illustration parmi d’autres.

De la parité au Pacs, en passant par les statuts ethniques calédonien et polynésien, la charte sur les langues minoritaires, l’école ou le quinquennat, il n’est pas un texte inspiré par la « gauche plurielle » qui n’ait été la simple traduction bestiale du fait ou des mœurs en loi ou en révision constitutionnelle.

Par paresse intellectuelle (ou « défaite de la pensée »), laisser-aller moral et politique, électoralisme mercantile, capitulation devant les lobbies de toutes sortes, les ukases médiatiques et les sondages, mais aussi par souci de maintenir à tout prix une coalition gouvernementale pour le moins hétéroclite, ce gouvernement aura été, sans conteste, celui de la grande braderie des valeurs républicaines et de l’invasion du droit français par le totalitarisme de la pensée unique politiquement correcte.

 
Une « fédération qui s’ignore »

Cela fait bien longtemps qu’en vertu du principe dit de « spécialité législative », la loi nationale ne s’applique aux territoires d’outre-mer (TOM) que sur mention expresse, dont l’absence revient à laisser l’assemblée territoriale décider elle-même. Depuis 1946, le régime législatif des départements d’outre-mer (DOM) peut faire l’objet d’adaptations nécessitées par leur « situation particulière ».

Cela fait plus longtemps encore que le droit local alsacien-mosellan déroge, sur de nombreux points, au droit national et notamment au sacro-saint principe de laïcité. C’est dire que les dénonciateurs du jacobinisme et d’une prétendue manie française d’uniformité sont plus aveugles que le centralisme qu’ils accusent. Les maniaques du fédéralisme devraient faire un séjour à Mayotte, à Wallis et Futuna, ou chez les amérindiens de Guyane pour se convaincre que la France est depuis belle lurette « une fédération qui s’ignore », mais aussi pour calmer leurs ardeurs devant des situations dont la « modernité » laisse songeur.


Manque de « transparence »

Accorder quelques pouvoirs législatifs ciblés à des collectivités insulaires, comme le font aussi nos voisins espagnols, italiens et portugais, n’a donc rien de choquant en soit, à condition que l’on sache exactement pourquoi, à qui et dans quel but sont dévolus ces pouvoirs. Or, c’est évidemment ici que le bât blesse et que la « transparence » du processus corse est sujette à caution.

Le bilan des élus corses sur l’exercice des pouvoirs qu’ils possèdent déjà n’est pas si brillant qu’il incite à leur en donner davantage. Le rapport parlementaire accablant sur l’utilisation des fonds publics en Corse ne semble pas avoir été au cœur des discussions de Matignon, et l’on peut donc comprendre l’inquiétude légitime des contribuables continentaux devant l’octroi d’une autonomie juridique et financière accrue à ceux-là mêmes qui portent la responsabilité d’une pareille gabegie et d’une telle corruption.

S’il ne s’agit que de lâcher du lest à ces mêmes responsables (et comment en changer dans une société où l’élection emprunte davantage au clanisme, à la dépendance et à la peur qu’à la démocratie et à la liberté ?) sous le chantage à la bombe, il n’y a strictement aucune chance pour que la situation insulaire s’améliore, il est même certain qu’elle ne pourra que s’aggraver.

L’invocation récurrente des « spécificités culturelles » mérite un examen détaillé. Quelles sont donc exactement ces spécificités ? La langue, la musique, la danse ou la cuisine ? A notre connaissance, aucune loi française n’a jamais interdit à un citoyen de ce pays de parler (hormis dans le service public, bien évidemment), écouter, danser ou manger ce qu’il veut.

S’agit-il alors des spécificités telles que l’omerta, la terreur, le clanisme, la corruption, le passe-droit, la confusion entre la chose publique et la chose privée, l’assistance, la vendetta ou le national-crétinisme ? Joli palmarès, auquel il semble curieux et bien imprudent de vouloir « adapter » la loi française !


Plus de droit moins de devoirs !

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État exigent traditionnellement, et à juste titre, que les dérogations au principe d’égalité soient justifiées par des critères « objectifs et rationnels », mais le moins qu’on puisse dire est que ni la raison ni l’objectivité ne semblent dominer les prétentions des élus corses (toutes tendances confondues) qui empruntent surtout à l’opportunisme si caractéristique du post-modernisme...

Si l’on observe en effet les revendications schizophrènes de la plupart des « minorités » (y compris les féministes), on aperçoit qu’elles invoquent toutes l’égalité pour avoir autant de droits et la différence pour avoir plus de droits ou moins de devoirs. Ce qui, en matière de régionalisme, donne à peu près : « Je suis Français pour bénéficier de l’État-providence, mais je suis Corse, Martiniquais (ou Breton ?) pour me soustraire à l’État de droit ».

La déresponsabilisation de soi par culpabilisation de l’autre, telle est la stratégie du nouveau terrorisme intellectuel et politique auquel aura systématiquement cédé le gouvernement Jospin depuis son avènement, l’affaire corse n’étant, en définitive, que la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase... et fuir Jean-Pierre Chevènement.

Il était temps d’apercevoir que le clivage politique droite-gauche était devenu totalement obsolète et que la ligne de démarcation passe désormais entre les partisans du retour à la féodalité et à l’appropriation privée de la chose publique, et ceux qui défendront toujours, contre vents et marées, la protection de la res publica. La recomposition du paysage politique français s’annonce. A vos marques citoyens !

 

A.-Marie Le Pourhiet
Professeur de droit public
à l’université Rennes I

Publié dans Le Télégramme, 17/09/2000

 

 

  

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