Région ou nation Corse: "NON" au référendum Poignant, Corte Micronationalismes Communautarisme Breton et école publique Enfants et nationalistes Diwan à Rennes - 2003 Diwan à Rennes - 2004 Qui pro quo "Intégrisme linguistique" Diwan et la Charte République Occitanisme Celtisme
| |
Micronationalismes.
La République aux enchères
Interrogé il y a
quelques mois sur la violence dans les banlieues, Lionel Jospin avait utilement
rappelé « qu’il ne faut pas confondre la sociologie et le droit ». C’est fort
juste, mais il n’en demeure pas moins que l’action de son gouvernement depuis
1997 ne s’est précisément caractérisée que par une totale confusion entre le
fait et la norme, dont le traitement de l’affaire corse n’est qu’une
illustration parmi d’autres.
De la parité au Pacs, en
passant par les statuts ethniques calédonien et polynésien, la charte sur les
langues minoritaires, l’école ou le quinquennat, il n’est pas un texte inspiré
par la « gauche plurielle » qui n’ait été la simple traduction bestiale du fait
ou des mœurs en loi ou en révision constitutionnelle.
Par paresse
intellectuelle (ou « défaite de la pensée »), laisser-aller moral et politique,
électoralisme mercantile, capitulation devant les lobbies de toutes sortes, les
ukases médiatiques et les sondages, mais aussi par souci de maintenir à tout
prix une coalition gouvernementale pour le moins hétéroclite, ce gouvernement
aura été, sans conteste, celui de la grande braderie des valeurs républicaines
et de l’invasion du droit français par le totalitarisme de la pensée unique
politiquement correcte.
Une « fédération qui s’ignore »
Cela fait bien longtemps
qu’en vertu du principe dit de « spécialité législative », la loi nationale ne
s’applique aux territoires d’outre-mer (TOM) que sur mention expresse, dont
l’absence revient à laisser l’assemblée territoriale décider elle-même. Depuis
1946, le régime législatif des départements d’outre-mer (DOM) peut faire l’objet
d’adaptations nécessitées par leur « situation particulière ».
Cela fait plus longtemps
encore que le droit local alsacien-mosellan déroge, sur de nombreux points, au
droit national et notamment au sacro-saint principe de laïcité. C’est dire que
les dénonciateurs du jacobinisme et d’une prétendue manie française d’uniformité
sont plus aveugles que le centralisme qu’ils accusent. Les maniaques du
fédéralisme devraient faire un séjour à Mayotte, à Wallis et Futuna, ou chez les
amérindiens de Guyane pour se convaincre que la France est depuis belle lurette
« une fédération qui s’ignore », mais aussi pour calmer leurs ardeurs devant des
situations dont la « modernité » laisse songeur.
Manque de « transparence »
Accorder quelques
pouvoirs législatifs ciblés à des collectivités insulaires, comme le font aussi
nos voisins espagnols, italiens et portugais, n’a donc rien de choquant en soit,
à condition que l’on sache exactement pourquoi, à qui et dans quel but sont
dévolus ces pouvoirs. Or, c’est évidemment ici que le bât blesse et que la «
transparence » du processus corse est sujette à caution.
Le bilan des élus corses
sur l’exercice des pouvoirs qu’ils possèdent déjà n’est pas si brillant qu’il
incite à leur en donner davantage. Le rapport parlementaire accablant sur
l’utilisation des fonds publics en Corse ne semble pas avoir été au cœur des
discussions de Matignon, et l’on peut donc comprendre l’inquiétude légitime des
contribuables continentaux devant l’octroi d’une autonomie juridique et
financière accrue à ceux-là mêmes qui portent la responsabilité d’une pareille
gabegie et d’une telle corruption.
S’il ne s’agit que de
lâcher du lest à ces mêmes responsables (et comment en changer dans une société
où l’élection emprunte davantage au clanisme, à la dépendance et à la peur qu’à
la démocratie et à la liberté ?) sous le chantage à la bombe, il n’y a
strictement aucune chance pour que la situation insulaire s’améliore, il est
même certain qu’elle ne pourra que s’aggraver.
L’invocation récurrente
des « spécificités culturelles » mérite un examen détaillé. Quelles sont donc
exactement ces spécificités ? La langue, la musique, la danse ou la cuisine ? A
notre connaissance, aucune loi française n’a jamais interdit à un citoyen de ce
pays de parler (hormis dans le service public, bien évidemment), écouter, danser
ou manger ce qu’il veut.
S’agit-il alors des
spécificités telles que l’omerta, la terreur, le clanisme, la corruption, le
passe-droit, la confusion entre la chose publique et la chose privée,
l’assistance, la vendetta ou le national-crétinisme ? Joli palmarès, auquel il
semble curieux et bien imprudent de vouloir « adapter » la loi française !
Plus de droit moins de devoirs !
Le Conseil
constitutionnel et le Conseil d’État exigent traditionnellement, et à juste
titre, que les dérogations au principe d’égalité soient justifiées par des
critères « objectifs et rationnels », mais le moins qu’on puisse dire est que ni
la raison ni l’objectivité ne semblent dominer les prétentions des élus corses
(toutes tendances confondues) qui empruntent surtout à l’opportunisme si
caractéristique du post-modernisme...
Si l’on observe en effet
les revendications schizophrènes de la plupart des « minorités » (y compris les
féministes), on aperçoit qu’elles invoquent toutes l’égalité pour avoir
autant de droits
et la différence pour avoir plus
de droits ou moins
de devoirs. Ce qui, en matière de régionalisme,
donne à peu près : « Je suis Français pour bénéficier de l’État-providence, mais
je suis Corse, Martiniquais (ou Breton ?) pour me soustraire à l’État de droit
».
La déresponsabilisation
de soi par culpabilisation de l’autre, telle est la stratégie du nouveau
terrorisme intellectuel et politique auquel aura systématiquement cédé le
gouvernement Jospin depuis son avènement, l’affaire corse n’étant, en
définitive, que la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase... et fuir
Jean-Pierre Chevènement.
Il était temps
d’apercevoir que le clivage politique droite-gauche était devenu totalement
obsolète et que la ligne de démarcation passe désormais entre les partisans du
retour à la féodalité et à l’appropriation privée de la chose publique, et ceux
qui défendront toujours, contre vents et marées, la protection de la
res publica. La
recomposition du paysage politique français s’annonce. A vos marques citoyens !
A.-Marie Le Pourhiet
Professeur de droit public
à l’université Rennes I
Publié dans Le Télégramme,
17/09/2000
| |
|