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Communautarisme – La République et le droit à la différence

Jack Lang, Diwan et l’état de droit

  

Si, comme on s’accorde à le reconnaître, l’état de droit est à la fois l’antithèse du totalitarisme, et un système où les gouvernants respectent leurs propres lois et les décisions de justice, on s’étonne de ne pas l’avoir entendu invoqué plus souvent à propos de l’« affaire Diwan ». On s’en étonne, dans la mesure où, dès le départ, les principes de l’état de droit, dans leur double acception, semblent avoir été piétinés avec une allégresse et une constance proprement inouïe par ceux-là même qui avaient pour mission de les défendre.

  

Le premier épisode de cette histoire, on s’en souvient peut-être, c’est l’introduction du loup dans la bergerie. Le 28 mai 2001, le ministre de l’Éducation nationale signe avec les établissements Diwan un protocole d’accord visant à les intégrer dans le service public de l’Éducation nationale. Broutilles, dira-t-on : une trentaine d’écoles, 200 enseignants, quelques milliers d’élèves, bref, une goutte dans l’océan scolaire. Certes : mais une goutte de poison violent, puisque ce qu’on fait entrer dans le service public, ce sont des pratiques et un principe objectivement totalitaires.

La méthode Diwan consiste en effet à inculquer le breton par un enseignement dit « par immersion » au sein d’établissements où il « est la langue de vie, de travail et de communication de tous les élèves et de tous les personnels. (...) Cela suppose que l’ensemble des personnels (enseignants, Atoss, agents territoriaux) utilisent la langue régionale comme langue de travail et de communication ». En fait, il s’agit de substituer le breton au français, langue maternelle des élèves, et ce, à marches forcées, dès les plus petites classes. Rien à voir avec les écoles bilingues classiques, où l’on apprend une langue régionale ou étrangère parallèlement au français. Ici, le breton est la langue exclusive. Quant au français, précise la circulaire signée par le ministre de l’Éducation nationale, il n’est utilisé que « de façon exceptionnelle et ponctuelle (…), par exemple pour le réconfort d’un jeune élève ayant récemment intégré l’école ».

Seul le français est enseigné... en français. Pour le reste, « une activité pourra être proposée en français en dehors du temps normalement consacré à l’enseignement de cette langue », mais seulement « de façon exceptionnelle », « si elle ne peut l’être en langue régionale de façon équivalente », et à condition d’avoir été « auparavant préparée en langue régionale ».

Conformément aux dispositions ministérielles, ce totalitarisme linguistique se poursuit jusqu’au lycée, où, comme de juste, on accorde un rôle privilégié à l’internat il faut que, jusqu’au bout, les membres de la secte demeurent entre eux, coupés des ténèbres extérieures où l’on ne parle pas leur langue.

Broutilles, dira-t-on.
Certes : mais l’on fait
entrer dans le service
public, des pratiques
et un principe
objectivement totalitaires

  

L’enseignement Diwan ambitionne d’établir un monde clos, de construire artificiellement une identité globale (au collège, précise la circulaire ministérielle, les mathématiques et l’histoire seront « obligatoirement » enseignées en breton), en rupture avec la culture française. Mais ce projet totalitaire, qui confirme les analyses récentes de Joseph Macé-Scaron (1), serait demeuré peu inquiétant, si le ministre de l’Éducation nationale ne lui avait prêté main forte : s’il n’avait signé un protocole d’accord, préparé ensuite une batterie de textes juridiques destinés à le mettre en oeuvre, et essayé enfin, depuis quelques jours, de contrer par tous les moyens l’ordonnance du Conseil d’État qui a décidé, en urgence, de suspendre l’application de ces textes manifestement illégaux.

Telle est la seconde offensive contre l’état de droit que recèle l’affaire Diwan. Après avoir tenté d’intégrer un projet totalitaire dans le secteur public — ce qui aurait permis à Diwan de bénéficier du soutien financier de l’État pour prospérer, avant de faire des émules dans d’autres régions linguistiques — le gouvernement, sanctionné par le juge administratif, essaie malgré tout de passer en force. L’intégration des écoles Diwan est contraire à la loi ? Qu’à cela ne tienne : jeudi 8 novembre, la majorité de l’Assemblée nationale s’empresse de voter, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, l’intégration des enseignants Diwan dans la fonction publique. Le projet Diwan est contraire à la Constitution ? Qu’importe ! « Nous pourrons, annonce M. Jack Lang, changer la Constitution si nous l’emportons à l’élection présidentielle. »

 

Changer la Constitution, c’est-à-dire, en l’occurrence, et probablement sans même consulter les Français par référendum, « supprimer » l’article 2, qui déclare que « la langue de la République est le français »; et « inscrire » dans la Constitution le principe de la reconnaissance de droits collectifs spécifiques à des groupes, ethniques, religieux, sexuels ou linguistiques. En clair faire disparaître d’un trait de plume le lien culturel vivant qui, depuis le XVIe siècle, unit la nation française, tout en officialisant les « tentations communautaristes » qui sont en train de la saper de l’intérieur.

« Nous pouvons changer la Constitution, si nous l’emportons à l’élection présidentielle. » Espérons que la menace sera entendue, dès le premier tour des élections, par les citoyens attachés à la « res publica » et à la pérennité de la France.

 

Frédéric Rouvillois
*Professeur agrégé de droit public à l’université de Caen.

Derniers ouvrages parus:
La Cohabitation (F.-X. de Guibert) et Droit constitutionnel (Flammarion).

(1)   La Tentation communautaire, Plon, 2001

 

Publié dans Le Figaro, 14/11/2001, p. 14
Débats et opinions

 

 

  

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