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| Le "Bro Goz" ("hymne national breton"), le druide et le Reich
LE BRO GOZL’hymne national breton, bien qu’on ne s’en doute guère à présent, est l’invention d’un lycéen qui, calquant l’hymne gallois en breton approximatif, pour satisfaire son professeur, lui-même converti au druidisme, a produit un texte sur lequel il serait intéressant de fournir une analyse critique précise mais, pour l’instant, nous ne disposons que d’une brève note du Monde comme si : « Le Bro goz ma zadou est l’hymne national breton inventé en 1897 par Taldir Jaffrenou, alors élève de François Vallée au collège de Saint-Brieuc, sur le modèle de l’hymne gallois composé en 1846 par Ewan James et son fils James James. Le refrain en est : O Bretagne, ma Patrie, j’aime ma Patrie Tant qu’il y aura de la mer comme un mur autour d’elle, Que ma Patrie soit libre. Ce refrain énigmatique a suscité des interprétations divergentes. » (Le monde comme si, p. 179)
Les nationalistes bretons ne se sont jamais fait d’illusion sur le texte du « Bro goz ». Répondant au barde Abalor qui critiquait le drapeau breton dit « gwenn-ha-du », Olier Mordrel écrivait le 17 octobre 1937 dans le journal Breiz Atao : « Le « gwenn-ha-du » n'est sans doute pas irréprochable mais à son principal détracteur, le barde Abalor, de son vrai nom Léon Le Berre, l'auteur de l'article oppose le Bro goz, hymne qui pour être national n'en est pas moins suspect, tant d'origine que de teneur : Le drapeau à bandes est né dans les parages de Breiz Atao ? La belle affaire ! Le « Bro goz » aussi est bien né dans les parages d'Abalor, ce qui ne nous empêche pas de le chanter. On n'ira pourtant pas dire que la poésie en est impeccable. Comme vers bretons, il y a mieux et plus musical que le « Douar ar Varzed » et autres trouvailles de mirliton. Mais le « Bro goz » existe, c'est un signe de ralliement. Il n'est pas question de l'aimer ou de le rejeter parce que son air est d'origine étrangère et son texte contestable : il est sacré parce qu'une valeur nationale s'est attachée à lui...» (cité par Françoise Morvan in « Blanche hermine, noir drapeau », Hopala, juin 1999). En effet, quelle que soit l’inanité de ses paroles, le « Bro Goz » est l’expression d’une idée simple : nous sommes Bretons, nous voulons être libres, la mer est le mur qui nous protège et l’essentiel est d’être protégé. Contre quoi ? Non pas contre les incursions de la perfide Albion, comme semblerait l’indiquer le texte ; plutôt, pour en venir à l’idée simple actuelle qui fait de Taldir un prophète, que la mer comme un mur nous protège en nous reliant à nos frères celtes contre l’odieuse liaison avec la France marâtre. C’est ce qui a permis à ce qui aurait pu n’être qu’une plaisanterie de potache de devenir un hymne national. SON CRÉATEURNé en 1879 à Carnoët, au centre de la Bretagne, et fils du notaire du bourg, François Jaffrenou n’a pas été seulement l’un des membres les plus influents du mouvement autonomiste breton mais l’un de ses précurseurs. Pensionnaire au lycée de Saint-Brieuc et, décidant de suivre des cours de breton, il a pour professeur François Vallée, érudit celtomane converti au druidisme, qui le convertit à son tour. Suivant l’exemple de son maître, Jaffrenou compose, comme on l’a vu, sur le modèle de l’hymne gallois, le « Bro Goz ma zadou » (c’est-à-dire : « Vieux pays de mes pères » - (rebaptisé après la Seconde Guerre mondiale, dans l’orthographe « surunifiée » du breton imposée sur ordre du Sonderführer Weisgerber, « Bro Gozh va zadoù »). Cet hymne approximatif est consacré « chant national » au congrès de 1904 de l'Union Régionaliste Bretonne. Il faut dire qu’en 1901, Yann Fustec et François (désormais Taldir, pour le meilleur et pour le pire) Jaffrenou ont créé une « Gorsedd des bardes » sur le modèle gallois : Jaffrenou en deviendra bientôt Grand Druide. En 1904, dans le même temps que son « Bro Goz » est proclamé hymne national, il lance la revue Ar Bobl (le Peuple), qui paraîtra jusqu'en 1914. Le voilà devenu journaliste. Il poursuit ses activités militantes à la Fédération régionaliste de Bretagne et, suivant la dérive inéluctable du mouvement breton vers le national-socialisme, se charge de recueillir les signatures d’un Placet au maréchal Pétain proclamant que « les Bretons et leurs associations culturelles ont accueilli avec joie et avec espérance la proclamation par le maréchal Pétain de la résurrection des provinces ». Ce placet remis au maréchal Pétain en décembre 1940 se double d’un rapport remis à Pierre Laval et d’un mémoire en français et en allemand rédigé par le Grand Druide lui-même « à l’intention de son Excellence le gouverneur militaire allemand en Bretagne, donnant la doctrine du bardisme… et affirmant le désir de 90% des Bretons de collaborer dans la paix et, d’accord avec la France, à l’élaboration d’un statut européen basé sur le droit des minorités à développer leur culture. » Ces deux derniers documents sont remis par Jaffrenou à la délégation allemande venue enquêter à l’automne 1940 sur l’opinion bretonne face à la « question bretonne » (cité par Henri Fréville, La presse bretonne dans la tourmente, Plon, 1979, p. 202-204). Mais le Grand Druide ne s’en tient pas là. Il participe activement à la presse nationaliste engagée dans la collaboration avec les nazis et ne se limite encore pas à cela. L’historien Michel Nicolas écrit : « A la Libération, la police a retrouvé à la préfecture de Quimper la liste des dénonciations de ce secteur. Les Allemands exigeaient en effet des dénonciations écrites. Y figurait une dénonciation, signée de la main de Jaffrenou, du libraire-éditeur Le Goaziou de Quimper comme résistant, ce qui était parfaitement exact. Faute de preuve, les Allemands l'avaient relâché. Ces propos ont été tenus à de nombreuses reprises par M. Le Goaziou lui-même (qui fut, à la Libération, président de la commission d'épuration du Finistère). » (Michel Nicolas, « Histoire du Mouvement Breton », p. 103, et p. 97-98) En 1945, le tribunal le condamne à cinq ans de prison. Cependant, Gwenc’hlan Le Scouëzec, le Grand Druide actuel, affirme que Jaffrenou fut innocent et que son activité fut toujours apolitique. Pour prendre la mesure de l’apolitisme revendiqué par Gwenc’hlan Le Scouëzec, il importe de préciser qu’il fut dans les années 70 l’un des fondateurs de Skoazell Vreizh avec l’écrivain Xavier Grall et l'avocat Yann Choucq et qu’il n’a jamais renié (bien au contraire) ce militantisme nationaliste. Qu’est-ce que Skoazell Vreizh ? « L'association Skoazell Vreizh est un comité de soutien aux familles des détenus et des personnes mises en examen pour des motifs politiques bretons, personnes impliquées dans des actes de résistance à la politique d'assimilation et d'intégration de l'État français en Bretagne » (site Internet de Skoazell Vreizh : http://www.skoazell-vreizh.org/) Gwenc’hlan Le Scouëzec, qui se dit de gauche, se présente ainsi : « Mon nom est Le Souëzec. Mes prénoms, selon l’État-civil : Heol, Loïc, Gwennglan… graphie particulière du nom de Gwenc’hlan. C’est celui d’un druide du Ve siècle, réel ou imaginé : il me fut donné par mon père parce que ce nom était " antichrétien et antifrançais " » (L’affaire Taldir, p. 15). Le Grand Druide est a su rester fidèle à cette haine originelle. Il importe de montrer comment elle explique l’aveuglement sur les activités de Jaffrenou pendant la période de l’Occupation.
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