Abbé Perrot
 

Retour au site Libre Pensée : Charte des Langues

Retour au site
Libre Pensée
Charte des Langues
Retour à la page précédente
Retour

Accueil Remonter Etudes Documents Glossaire Bibliographie Liens Recherche Contacts

Précédente
Remonter
Suivante
   
Emgann Bemdez
Luzel
Hémon
Mémoire sélective
Hermine, Croix gammée
LDH sur "nationalisme"
Ras l'front, "nationalisme"
Le Monde comme si
Abbé Perrot
Perrot à Scrignac

La Résistance au banc des accusés

 

Incroyable mais vrai. Au moment même où nous rendons hommage à la mémoire du Colonel Courtois, commandant les FTP de l’Ouest, avec le prestigieux patronage de Robert Chambeiron, compagnon de Jean Moulin, paraissait un livre demandant la réhabilitation d’une des figures les plus marquantes de la Collaboration et de la trahison. Mieux, il réclame la mise en accusation des Résistants qui ont assumé la mission d’exécuter le délateur, pivot des services nazis avant et pendant l’occupation allemande, Jean-Marie Perrot, curé de Scrignac (Finistère).

Le livre est intitulé « Le Bezen Perrot ». En sous-titre : « 1944 : des nationalistes bretons sous l’uniforme allemand ». L’auteur, Kristian Hamon a donné à son ouvrage une estampille dénuée d’ambiguïté. En le faisant préfacer par Loeiz ar Beg, il fait, de ce qui aurait pu être un livre d’Histoire, un véritable plaidoyer en faveur des nationalistes qui ont servi l’Allemagne contre la France et prêté main-forte aux SS face à la Résistance bretonne.

Deux petites phrases en fournissent la preuve : « L’assassinat de l’abbé Perrot n’est-il pas un crime contre l’humanité, tel qu’il fut défini à Nuremberg ? Et de ce fait imprescriptible. Quel tribunal international pourra juger ce drame de façon à ce que le martyr de l’Emsav puisse être réhabilité ? »

Parrot n’a pas été « assassiné ». Il se confirme que l’ordre d’exécution est venu de Londres en même temps que celui qui visait Yann Bricler. André Geffroy, de Locquirec, donnera des précisions à ce sujet lors de son interrogatoire le 15/11/44. « J’ai connu Bricler en 1933 à St-Goazec, déclare-t-il. Après sa mort, j’ai eu l’occasion de parler de lui à Lainé qui me fit savoir que probablement il avait fourni des renseignements à un interprète de la Kommandantur de Quimper, qui était d’origine alsacienne. Celui-ci serait parti en Angleterre et aurait ainsi dévoilé le travail de Bricler ». Ce dernier fréquentait assidûment le presbytère de Scrignac. Lorsqu’un terme fut mis au « travail » de Bricler et de Perrot, l’action consistait donc à éliminer des délateurs bien identifiés.

L’activité de Perrot était liée aux services secrets de l’armée allemande bien avant la guerre. Et ce n’est nullement par hasard que les armes livrées par les nazis, en août 1939, aux nationalistes bretons, par mer, et récupérées à Locquirec, se retrouveront dans la cache du presbytère de Scrignac. Les futurs SS bretons disposaient d’une clé que leur avait confiée l le curé, en leur précisant qu’ils pouvaient déposer là « tout ce qui leur plaira ».

Durant l’occupation, Perrot reçoit beaucoup, et pas n’importe qui. Les nationalistes bretons « les plus compromis avec les Allemands » sont des assidus. En novembre 1940, on y trouve le directeur du Bureau des questions raciales de la SS. Chargé de mission par Himmler, Joseph Otto Plassmann était accompagné du Dr Benning. Gerhard von Tevenar, agent de l’Abwehr et soutien incontesté du Parti National Breton (PNB) avant la guerre, se rend aussi à Scrignac. Encore plus significatif, s’il se peut, on y trouve, le 13 août 1942, un officier du S.D. de Rennes, Hans Grimm, accompagnant Debeauvais, chef nationaliste. Le déplacement d’un officier des services spéciaux SS de Rennes à Scrignac situe la place de Perrot dans le dispositif de la Collaboration.

A ces multiples liaisons s’ajoute encore celle du sinistre Kommando de Landerneau Qui comprenait plusieurs membres du PNB. Ceux-ci avaient pour mission de conduire les nazis dans leur chasse aux Résistants. Perrot était pour eux un vieux complice. Le presbytère de Scrignac était, on le voit bien, une véritable plaque tournante pour les occupants et les nationalistes qui s’étaient mis à leur service. C’est pour tenter de dissimuler ces faits que ceux qui se veulent les héritiers de ces nationalistes avaient lancé et entretenu la fameuse légende du curé abattu par les rouges. Ce qui est une absurdité totale. Pour s’en convaincre, il suffit de lire , sans œillères, l’histoire de la Résistance. Le nombre de curés et de militants catholiques engagés dans la lutte pour la liberté du pays, rouges, bleus et blancs mêlés, témoigne des choix majeurs de cette époque.

Une autre légende a la vie dure. C’est celle qui voudrait que le Bezen Perrot aurait été constitué en réplique à l’exécution du curé. C’est totalement faux. Le groupe de combat des nationalistes bretons agissant avec la Gestapo existait. Il a pris le nom de Perrot pour tenter de couvrir les crimes commis contre la Résistance et susciter des excuses.

L’heure de la vérité a sonné. L’ouverture des archives soixante ans après les faits permet de faire éclater au grand jour, le comportement odieux des nationalistes. Les dégâts sont lourds. Des centaines de jeunes, des femmes agents de liaison, des hommes dressés dès l’aube contre la botte étrangère, des agriculteurs ravitaillant les maquis, des marins convoyant les aviateurs alliés tombés en mission, des foyers accueillant les soldats de l’ombre, combien sont-ils à avoir payé de leur vie la traîtrise de Perrot et de ses amis ? . Les étudiants, les historiens entament un travail ardu et long du fait de la dispersion des documents.

Une chose est claire à présent. Nul ne saurait disculper, excuser la trahison sans être dévoilé publiquement. Aucune tentative de réhabilitation ne peut être tolérée par le silence. C’est l’honneur de la masse des bretons qui entourèrent et portèrent la Résistance qui est en jeu. Et c’est le moindre des respects dû à ceux qui ont fait le sacrifice suprême afin que nous puissions tous vivre libres.

 

Jean Le Lagadec (Bretagne Île-de-France, septembre 2004)

Voir " Le presbytère de Scrignac était un véritable nid de vipères "

 

  

Creative Commons License Droit de reproduction : tous les documents, images, citations, analyse, etc... peuvent être librement
reproduits et référencés, avec un lien sur la page dont tout ou partie est reproduit ou cité.
Le contenu de ce site, images et textes, est mis à disposition sous un contrat Creative Commons.

• brochures • forum • commentaires • plan du site • sommaire • annuaire • nouveautés • droits • contacts •

Retour à la page précédente   Retour
 

Précédente Accueil Remonter Suivante