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Georges Cadiou a produit un étude sur les mouvements collaborationnistes bretons qui entend ne rien cacher sur les hommes et les organisations qui pendant la seconde guerre pratiquèrent la collaboration avec les nazis, collaboration que trop souvent on essaye d'occulter. Pour l'auteur de "L'Hermine et la Croix gammée", les choses sont claires : "Loin de n'être que stratégiques, ces liaisons dangereuses résultaient d'une idéologie commune : le fascisme".
"Il faut donc, souligne d'emblée l'auteur, tout dire de la dérive nationaliste des années 1930-1940, montrer comment la tendance radicale des Mordrel, Debauvais et Lainé a fini par prendre le dessus de la tendance fédéraliste et de gauche animée par Duhamel et Marchal, montrer comment les durs du PNB, le Parti National breton, n'ont pas hésité à passer une alliance en bonne et due forme avec l'Allemagne nazie, comment de soi-disant modérés ont été pétainistes convaincus, comment ont régné à l'époque la trahison et la délation, comment les nationalistes bretons ont été, à leur niveau, pourvoyeurs de résistants pour les caves de torture de la Gestapo, laquelle rémunérait nombre d'entre eux, comment ils ont dénoncé de vrais patriotes, ceux-là, qui sont partis pour les camps de concentration en Allemagne et dont beaucoup ne sont pas revenus, comment les militants du PNB ont endossé l'uniforme nazi pour combattre les maquis, participer aux représailles allemandes, aux tortures et aux exécutions ! "
Le lecteur trouvera donc dans le livre des indications extrêmement utiles sur le rôle effectif joué par les principaux protagonistes du mouvement autonomiste breton pendant cette période, pendant laquelle pour reprendre les propos de Roparz Hemon " un vent de liberté souffla sur la Bretagne" et que les promoteurs actuels du mouvement breton n'ont pas hésité à donner en exemple aux jeunes générations, si l'on en juge par le nom éponyme du Collège Diwan du Relecq-Kerhuon près de Brest ou encore du Centre culturel breton de Guingamp, jusqu'à ce qu'une campagne récente fasse débaptiser ces deux établissements.
L'objectif de l'auteur est aussi de mettre en garde contre les "risques de nouveaux dérapages" que connaissent les mouvements autonomistes actuels, risques d'autant plus grands que leur filiation avec le passé collaborationniste est souvent établi.
C'est ainsi que, sous la signature de Françoise Morvan, est parue dans le mensuel "Bretagne-Ile de France" N° 31 de Novembre 200, une dénonciation des orientations de l'actuel Institut Culturel de Bretagne dont nombre d'entre les responsables ont des affinités plus qu'affirmées avec les collaborationnistes de la belle époque et des pratiques plus que répréhensibles : " réhabilitation d'anciens fascistes, récompenses données à des personnes dont l'appartenance au FLB était rappelée par elles-mêmes, subventions données à des textes antisémites, etc.", et qui, stigmatisées dans de nombreux organes de presse ont justifié que le Président du Conseil Régional entreprenne de "faire le ménage". Apparemment sans grand résultat sauf à délocaliser le dit Institut de Rennes à Vannes.
Curieusement, Georges Cadiou qui est manifestement bien informé sur l'identité et les caractéristiques idéologiques et politiques des principaux protagonistes bretons de la collaboration, est muet sur certains. On retiendra, entre autres, Loeïz Herrieu sur lequel une étude de Pierrik Le Guennec parue dans La Raison N° 463 de juillet 2001, permet de porter un jugement sans équivoque : "...Herrieu, responsable du PNB, a publié au moins trente-et-un articles dans l'Heure bretonne (Organe du PNB pronazi : ndlr) dont nombre d'articles antisémites." Se référant à la politique d'exclusion des Juifs pratiquée par les ducs de Bretagne, notamment au fait que "nul ne serait puni pour avoir tué un Juif...", Loeïz Herrieu admiratif du soin qu' ils prenaient "de garder leur race sans tache et saine", préconisait, en l'année 1943, de "prendre exemple sur eux".
Le silence de notre auteur est d'autant plus surprenant que l'association Diwan a donné le nom de Loeïz Herrieu à son école de Lorient, école que le protocole signé par cette association et le Ministre Lang entend intégrer, éponyme compris, au sein de l'enseignement public, dont on sait pourtant que nombre de ses personnels ont payé un lourd tribut dans le combat contre les nazis et leurs supplétifs autonomistes.
Il reste que l'ouvrage de Cadiou est une dénonciation décapante des mouvements collaborationnistes bretons, confirmant s'il en était encore besoin le jugement d'un autre auteur, Michel Nicolas : " On doit à la vérité de dire que la quasi-totalité du mouvement breton organisé politiquement a collaboré d'une façon ou d'une autre pendant la guerre" (Histoire du mouvement breton. Syros 1982).En finir avec ce détestable passé est donc l'objectif affirmé de son ouvrage.
Il n'est donc pas étonnant que le Clergé et la Noblesse de Bretagne, réunis à Saint-Brieuc en avril 1789, refusèrent d'envoyer à Versailles des députés aux États Généraux, soucieux qu'ils étaient de préserver leurs privilèges garantis par la Constitution bretonne.
L'auteur ressasse les thèmes récurrents des autonomistes de toutes les époques contre "les répressions subies en France par les langues minoritaires", concédant toutefois, évidence oblige, qu'elles "ont été acceptées (sic) par de larges secteurs de populations qui y étaient confrontées". On retrouve aussi l'amertume à l'encontre d'Ernest Renan, le théoricien de la Nation et emblème de la République jusques y compris dans sa statue de Tréguier, dont l'inauguration ne put se faire en 1903 que sous la protection des gardes mobiles. On devine même que le ressentiment à l'égard du philosophe se nourrit du fait que Renan était pourtant "bretonnant de naissance". Un traître, sans doute.
Rien sur le mouvement de fond qui dès les premiers temps de la Révolution vit les forces vives bretonnes affirmer leur appartenance à la nation française comme en témoignent, entre autres, les assemblées de jeunes Volontaires et des Municipalités bretonnes et angevines qui se tinrent à Pontivy en 1790, impulsant la fête de la Nation du 14 juillet de la même année, à Paris et sur tout le territoire.
Car G. Cadiou est bien contraint de souligner : "Que cela fasse plaisir ou pas, c'est une réalité : dans leur grande majorité, les Bretons ont peu à peu adopté la République, ses lois scolaires et la langue française,..". Le "Peu à peu" procède de quelque liberté avec la réalité et donne ici une indication du regret qu'il en fut ainsi.
Mais notre auteur se félicite "que la juste revendication bretonne" refasse "enfin surface". Et de réécrire une autre histoire : "Comme cela s'est passé pour d'autres États européens -- on peut penser ici au Danemark, au Portugal ou aux Pays-Bas --, la Bretagne aurait pu constituer, elle aussi un pays indépendant".
On lit que le " mouvement breton est né modéré. C'est le cas de l'URB, l'Union Régionaliste bretonne, créée à Morlaix en 1898 sous l'égide de l'écrivain Anatole Le Braz et du député conservateur de Vannes, le marquis Régis de L'Estourbeillon".
G. Cadiou insiste : "On a pu parler de nation bretonne, de "vocation nationale" de la Bretagne,..". Le "on" est bien commode. Ce rêve d'indépendance, .... c'est l'éternelle chanson des autonomistes. C'est "l'identité bretonne" (qui) démontre à souhait qu'il n'y avait pas là d'impossibilité historique". Que voilà une démonstration à bon compte.
C'est un fait : quelle que soient les options pour une Hermine sans croix gammée, la revendication indépendantiste ( "autonomiste", comme naguère "régionaliste" ne trompe personne) se nourrit de la nostalgie de la Bretagne historique, de la fidélité aux origines du mouvement breton, de l'hostilité à la Révolution française et aux Jacobins, ainsi que, in fine, d'une défiance persistante à l'égard de la République.
Yann Le Coz
G. Cadiou est grand reporter à France Bleu Breiz Izel.(Basse Bretagne).
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