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Diwan, une école qui vient de loin
Les origines historiques de Diwan ont fait l’objet d’une étude de Pierrik Le Guennec publiée dans La Raison de juillet 2001, mensuel de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Selon l’ouvrage « Diwan 20 ans » publié aux Editions Coop Breiz , – c’est la grande famille qui ne peut donc être suspectée de forcer le trait – la genèse des écoles Diwan remonte à 1942 avec l’ouverture à Plestin-Les Grèves, non loin de Lannion d’une école en breton. Cette école est dirigée par Yann Kerlann qui après la mort de Yann Sohier a été le responsable d’Ar Falz, ce mouvement qui regroupait les instituteurs publics partisans de l’enseignement du breton. Cette école est en fait réservée aux enfants des dirigeants du Parti National Breton pro-nazi, et financée par la Bezen Perrot, cette formation militaire issue du même PNB, et qui portait l’uniforme SS. Après la Libération, Yann Kerlann est condamné à « l’indignité nationale » pour faits de collaboration.
Après la guerre le mouvement Ar Falz va poursuivre ses activités, mais il faut attendre les années 1970, pour assister à la naissance d’un centre d’enseignement du breton pour adultes, « Skol an Emsav », dont les responsables impulseront quelques années plus tard les écoles Diwan. La filiation avec l’école de Plestin et les mouvements nationalistes qui ont sévi pendant l’occupation, est clairement établie. Les plus anciens étaient à Plestin, leurs enfants se retrouvent à Skol an Emsav et à Diwan. Est-il exagéré voire frauduleux de souligner la continuité entre le nationalisme breton du temps de guerre et Diwan d’aujourd’hui ? C’est une vraie question. A laquelle il
importe donc de répondre sérieusement.
Question : comment expliquer le nom éponymique de Roparz Hemon de leur Collège du Relecq-Kerhuon ? Peut-on concevoir que cela a été le fait de la méconnaissance du parcours politique de Roparz Hemon ?
Ainsi faudrait-il partager l’indignation de cette lettre au directeur de Télérama. [Lettre de Lukian
Kergoat et Tangi Louarn]
« …L’accusation
portée contre Roparz Hemon s’appuie sur une citation à caractère antisémite
d’un auteur anonyme, puisque signé d’un pseudonyme dans le journal Arvor (…)
et que rien ne permet d’attribuer à Roparz Hemon et surtout pas sa
personnalité et ses autres écrits. Dans l’œuvre, pourtant immense, de Roparz
Hemon, (…) on ne trouve aucun texte de nature raciste ou antisémite. Bien au
contraire, Roparz Hemon s’est toujours placé du côté des minorités et des
opprimés. C’était un admirateur de l’action pacifiste de Gandhi dont il a
fait l’éloge. Jugé après la guerre, il a été relaxé des accusations portées
contre lui. Croyez-vous vraiment
que si Roparz Hemon avait été suspect de la moindre sympathie pro-nazie, les
créateurs du premier collège de Diwan dont la charte se réfère à la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et qui sont issus pour la
plupart des milieux de la gauche progressiste des années 70/80, auraient
choisi le nom de cet écrivain ? C’est insensé. » Les signataires de cette lettre ne sont
pas de petits militants écartés de la connaissance de l’histoire de la
Bretagne. La lettre est signée de Lukian Kergoat et de Tangi
Louarn. Le premier est Maître de conférence en breton à
l’université de Haute Bretagne Rennes. Le second est Président de
Karta Europa. Comité républicain pour la Charte Européenne des
Langues. Roparz Hémon, la Charte, Diwan : un air de famille.
Il a fallu une campagne résolue pour aboutir à ce que la vérité éclate. Tout comme pour la dénomination du Centre culturel breton de Guingamp qui portait aussi le nom de Roparz Hemon. Ainsi la lettre de la Libre Pensée des Côtes d’Armor au Maire de Guingamp [Extraits de la lettre de la LP22 au Maire de Guingamp, datée du 22 janvier 2000] « Monsieur le Maire, (…) Il a prôné, vis
à vis des locuteurs français des sentiments xénophobes… puisqu’il écrit
le 7 juin 1942, dans le journal Arvor dont il est le directeur :
" La Bretagne n’a
qu’une langue : le breton. Le français n’est qu’une langue étrangère…..notre
but c’est de bannir le français. Tant qu’il restera dans notre pays
quelqu’un qui parle le français, c’en sera un de trop. " Son antisémitisme
est notoire.
Ainsi écrit-il dans la
revue Arvor du 1er juin 1941 : Dans Arvor du 26
juillet 1942 : Ses affinités nazies sont affirmées par ses actes comme par ses écrits. Yann Fouéré qui fut lié à Roparz Hemon rapporte dans son livre " La patrie interdite. Histoire d’un Breton ". " …Dans les tout premiers jours d’août, lorsque les forces allemandes évacuèrent Rennes, elles emmenèrent dans leur retraite, C. Lainé, Marcel Guiyesse, sa femme et sa fille, son adjoint Ange Péresse avec sa famille, Roparz Hemon et des activistes du séparatisme breton, en même temps que les soldats de la Formation Perrot, revêtus de leur tenue militaire allemande " (p. 33) Dans " Al Liamm " de mai-juin 1950 ….Roparz Hemon écrit : " Quatre années précieuses (…) pendant quatre ans, de 1940 à 1944, il passa un vent de liberté sur la Bretagne ; tout vrai Breton put travailler sans tracas, et la vie de l’esprit fut florissante… " Preuve que Roparz Hemon, bien après la guerre, n’avait rien renié, alors qu’il n’était pas sans savoir que la Bretagne avait connu un lot non négligeable de torturés, de déportés juifs et autres, et de fusillés par les autorités nazies. L’historien Henri
Fréville (…) rappelle que furent prononcées " en mars 1946 sa condamnation à
dix ans d’indignité nationale et sa radiation du nombre des membres de
l’enseignement public qui en est le corollaire légal. " »
Et les deux établissements ont ainsi été débaptisés, à la demande du Conseil Général du Finistère et de la Mairie de Guingamp, dispensateurs de subventions publiques. Faute reconnue est pardonnable. Sans doute .
Pourtant, prenons les cas de l’École Loeiz Herrieu de Lorient. Herrieu c’est un antisémite qui, en 1943, appelait à prendre des mesures radicales contre les Juifs. Diwan l’ignore-t-il ? On pourrait se poser la question. Mais la LP 56 a rendu public un dossier sur Herrieu . Il est même sur le site Internet de la Fédération nationale de la libre pensée. La Municipalité aussi a été avertie. Celle-ci n’a pas bougé. Que pensez-vous que Diwan a fait ? Les responsables de Diwan ont examiné la situation….. Et maintenu l’éponyme ! Le nom éponymique Herrieu figure donc encore aujourd’hui en exemple à la jeunesse. Et l’école Loeiz Herrieu postule à l’intégration au sein de l’école publique qui a vu tant et tant de ses maîtres, de ses personnels, de parents de ses élèves, combattre, les armes à la main les occupants nazis,…. auxquels était associé Loeiz Herrieu !
Prenons le cas de Le Hir. Ce personnage a joué un rôle actif dans la poursuite des Résistants. Collabo notoire. Incarcéré à la Libération, il a fini collaborateur de Diwan et membre de la commission de rédaction de ses manuels d’histoire pour ses écoles ! Prenons maintenant les ouvrages en usage dans les écoles Diwan. Ces sinistres individus sont blanchis de toutes les exactions qu’ils ont pu commettre comme le prouvent par exemple les biographies de Roparz Hemon écrites par Per Denez. Le personnage est présenté uniquement comme un écrivain, un linguiste, un professeur nimbus éthéré… Exemple : le texte issu de ce livre d’apprentissage du breton « Aller en avant avec le breton » de Per Denez. 1991 : édition « Faire l’école » pour les épreuves de breton au baccalauréat.
[Traduction de Y. Le Goff ]
Ainsi Diwan, qui véhicule dans la jeunesse au titre de sa fonction d’enseignement ce type d’idéologie, apparaît en réalité comme l’expression du séparatisme breton.
Autre question et non des
moindres:
les autorités politiques, administratives, universitaires peuvent-elles ignorer la réalité des orientations de Diwan ? Car en fait, la responsabilité fondamentale se situe à ce niveau.
Nul parmi les décideurs et leurs conseillers n’ignore ni la continuité de Diwan avec son passé plus que douteux ; nul n’ignore la réalité de Roparz Hemon ou de Le Hir, ou de Loeiz Herrieu. Faut-il rappeler que c’est en 1985 que Henri Fréville publie les archives secrètes de la Gestapo en Bretagne. Que cet ouvrage est publié dans les très accessibles Editions Ouest-France. Il faut donc se rendre à l’évidence que la « classe politique » comme on dit est, est parfaitement informée de cette réalité. Et que si elle se tait, c’est qu’elle se détermine pour des raisons autres que le respect de la vérité historique ou encore du « devoir de mémoire » auquel on se réfère dans les cérémonies aux Monuments aux morts. Ce n’est pas non plus pour glaner ici et là des voix électorales. Ou en tout cas ce n’est pas la raison essentielle.
C’est que par delà des divergences réelles, – ni la famille politique de Henri Fréville ayant occupé les fonctions de Maire de Rennes, de député, de sénateur, de Président du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, ni celles des partis qui se réclament du socialisme ou du communisme n’ont pas d’affinité avec Vichy ou le fascisme – le point commun de l’accord se situe au niveau de la mise en place de l’Europe des régions substituées à l’État-Nation républicain. Ne cherchons pas
ailleurs les raisons du silence ou de l’approbation des Chartes européennes
ou de l’intégration de Diwan.
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