« La Bretagne », 18-19 juillet 1942, le lendemain de la rafle du Vel d’hiv des 16 et 17 juillet 1942 « Les Juifs et le breton Est-ce que tu as vu un Juif en Bretagne depuis qu’on leur a donné ordre de porter une étoile jaune sur leur veste ou leur manteau ? demanda Alain Gouzin, hier soir, comme il traînait avec moi dans les rues endormies de Rennes. — Pas une fois ! répondit-il, et c’est étonnant, d’une certaine manière, car les Juifs ne doivent pas manquer en Bretagne, je suppose. J’en ai vu un nombre incroyable à Paris, la semaine dernière, des étoiles jaunes plein les rues, autant dire, et qui crânaient, la plupart du temps. Pourquoi auraient-ils eu honte. s’ils étaient plus nombreux que les gens sans étoiles. et comment donc ! Alain hurla de rire: en Bretagne, ce n’est pas la même chose... ils ont peur à cause du breton. voilà pourquoi ils n’ont pas réussi à s’implanter profond. dit-il en jetant à la ronde des regard furieux comme s’il cherchait un Juif à foudroyer. — Dans la capitale de la Bretagne cependant... — Écoute ! continua-t-il. As-tu vu par hasard dans ton journal, puisque tu fais partie de ces imbéciles qui regardent tous les jours leur journal. as-tu vu le nombre des Juifs en Bretagne? As-tu cherché à tirer quelque leçon de ce nombre ? Voilà : 717 dans la région nantaise. 268 dans la région rennaise. 197 seulement en Trégor et pays briochin. 151 en Cornouaille et Léon. et 104. 104 seulement en pays vannetais. Est-ce que ces chiffres-là ne montrent pas d’évidence que les Juifs n’aiment pas beaucoup le breton ? Là où on ne parle que français il y en a encore beaucoup, quoique ce nombre n’ait rien à voir avec le nombre de ceux qui vivent en France. Il serait infime en comparaison. Mais là où on parle breton il n’y en a quasiment plus. Et Alain de me quitter. tout à trac. — Où vas-tu comme ça? lui demandai-je. — Je vais écrire une lettre au gouvernement français, pour lui proposer de promouvoir l’enseignement du breton dans la France entière s’il veut se débarrasser pour de bon des Juifs et les faire décamper au grand galop Ces gens-là ne peuvent pas supporter le breton, je te dis. » « La Bretagne », 18-19 juillet 1942 (traduction) « Dihunamb », n° 385, septembre 1943, p. 290
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