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Selon Henri Fréville, le
distingué et savant grammairien-linguiste Roparz Hemon apparaît parfaitement intégré chez les nazis et la Gestapo :« ( ) il croise, rue de Fougères, un camion transportant, sous la conduite du militant séparatiste Marcel Guieyesse et dun agent du S.D., un groupe de membres de la formation Perrot accompagnés de leur famille fuyant vers lEst. Il réalise soudain la gravité de sa situation et sincorpore au groupe que les autorités allemandes dirigent vers Nancy puis Strasbourg où il arrive avec ses compagnons le 22 août ; là, lavocat alsacien Hermann Bickler, autonomiste, Standartenführer des S.S., protecteur pendant loccupation, à Paris, des autonomistes bretons, laccueille et intervient près du Polizeipräsident pour quil soit autorisé à séjourner provisoirement en Alsace avant de gagner lAllemagne. (voir message officiel L.O./3 du secrétaire général de la police pour les départements des Bas et Haut-Rhin, au directeur des Renseignements généraux, 17 janvier 1945, archives centrales de la police. Cf. aussi dossier Louis-Paul Némo (Hemon), cour de justice dIlle-et-Vilaine.)
Bickler laide à rejoindre Léo Weisgerber dans la ville de Marburg que ce dernier avait regagné quelques mois auparavant. ( )
Conduit à la prison de Rheinbach, il est remis aux autorités françaises qui lexpédient sous bonne garde vers Lille puis la Bretagne où sinstruira son procès qui aboutira, en mars 1946, à une condamnation à dix ans dindignité nationale et à sa radiation du nombre des membres de lenseignement public qui en est le corollaire légal ( )
Quand Roparz Hemon eût quitté Rennes, au tout début daoût 1944 en compagnie de Marcel Guiyesse, il fut accueilli avec ce dernier, nous lavons vu, à Strasbourg très chaleureusement, par Hermann Bickler qui avait, lui, quitté Paris le 11 août et venait dêtre nommé chef du Sicherheitsdienst (S.D.) pour la régions de Strasbourg. Bickler, Guieyesse et Roparz Hemon se connaissaient de longue date.
Dès le 11 septembre 1927 ils avaient, ensemble, participé au banquet de la fondation du parti autonomiste breton à Rosporden en même temps que François Debauvais, Yann Brickler, Célestin Lainé et beaucoup dautres.
Bickler avait convié, au début de cette même année 1944, dans son bureau de Standartenführer, chef de la 5e section du Sicherheitsdienst, boulevard Flandrin à Paris, Marcel Guieyesse, Yves et Raymond Delaporte, Yann Fouéré et Marcel Planiol, à une importante réunion au cours de la quelle il espérait éviter la rupture menaçante du Parti national breton en deux formation rivales et hostiles, lune modérée, suivant Raymond Delaporte, lautre, extrémiste, saffirmant franchement favorable à la doctrine nazie, inspirée par Célestin Lainé et Marcel Guieyesse et résolue à apporter un concours militaire et idéologique total au IIIe Reich. Il sagissait, en substance, pour Bickler, de prendre les moyens propres à assurer la survie et le renforcement de ce grand parti breton auquel avait pensé Werner Best et le commandement Allemand en 1941 et 1942. Ce fut un échec total, dautant plus grave que, le 20 mars 1944, Debauvais décédait après avoir donné son approbation aux vues de Célestin Lainé et à la création de la Bezen Perrot destinée à rester, dès lors, une formation réduite, à la totale discrétion du S.D. à lintérieur comme police supplétive et des Waffen S.S. sur les champs de bataille (6).
(Note 6) La réunion avortée tentée par Hermann Bickler a été rappelée par Hervé Le Boterf dans le tome III de son ouvrage La Bretagne dans la guerre, Ed. France-Empire, 1971. ( ) » 96
Et en effet, cette réunion, où le milieu Bickler
Fouéré Hemon Delaporte Guieyesse apparaît unique (et divisé, sur les voies à suivre...), est bien décrit dans le livre de Le Boterf :
" Dans la mesure où ils avaient le loisir de se préoccuper de ce problème secondaire, les Allemands observaient d'un regard assez irrité la confusion engendrée par la prochaine co-existence de deux fractions opposées d'un Parti, toléré par leurs services. Ancien chef des mouvements de jeunesse du Parti Autonomiste Alsacien-Lorrain, le standartenführer Hermann Bickler, alors chef du S.D. VI tenta, comme il est d'usage lorsqu'on veut éviter un divorce, de procéder à une conciliation entre les parties intéressées. A la fin de janvier ou au début de février, il convoqua dans ses bureaux de l'avenue Hoche à Paris, Guyesse, Planiol, Raymond et Yves Delaporte ainsi que Yann Fouéré dont il avait été, pour la plupart un ami des années d'avant-guerre. Le dialogue ne déboucha sur aucun terrain d'entente et Bickler fut contraint d'abréger l'entrevue, après avoir constaté que toute discussion prolongée serait inutile puisque chacun s'obstinait à demeurer sur ses positions. " 97
Il faut conserver à lesprit ces relations, étroites et constantes, au-delà de la distribution officielle des rôles.
96 Henri Fréville, Archives secrètes de Bretagne 1940-44, p 94-95
97 Hervé le Boterf, La Bretagne en Guerre, tome 3, p 368-369
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