L’épuration linguistique
 

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Le programme " linguistique " de Breiz Atao, défini en 1923 : l’épuration linguistique

 

Mordrelle explique le problème à résoudre pour Breiz Atao :

" Bleimor écrivait en 1910 qu'en matière d'idées bretonnes, c'était une ' anarchie pure '. Il ajoutait : ' chacun a ses petites idées personnelles sur le sujet, moi comme les autres. Il nous manque un théoricien, un Maurras... Ce sera un rôle difficile et ingrat. ' " 20


Dans les numéros datés de Août 1923 à Février 1924 de Breiz Atao, paraît une série d'articles doctrinaux et pratiques : " Enseignement du Breton aux non bretonnants " et " Enseignement du Breton aux bretonnants ".

Ces articles essentiels ne portent aucune signature (un autre spécialiste du breton, François Vallée signait de son nom, ou Abherve). Ces articles voisinent des articles de Roparz Hemon : " Breiz hag ar bed / La Bretagne et le monde ", et un article sur Gandhi (référence du moment pour Breiz Atao : on trouve une série de Mordrelle dans les nunéros de mai et juin 1924 21).

L'auteur fait des références pédagogiques : " (...) Buysse, Méthodes américaines d'éducation générale et technique (...) ", " Les meilleurs pédagogues de Grande-Bretagne et des États-Unis (...) ", " Avoir toujours à l'esprit ces paroles du directeur de la High School de Saint-Paul (Minnesota) ", " Se rappeler que la lecture des journaux est employée dans les écoles anglo-saxonnes pour familiariser les élèves avec la langue étrangère courante qu'ils apprennent, de préférence à la lecture des auteurs classiques de cette langue " 22. De la part d'un Agrégé d'Anglais en 1924, voilà des références qui pourraient être familières. Et de la part de cet Agrégé, la non-signature de cette série d’articles-programme en français est logique pour un fonctionnaire.


C’est dans les deux articles suivants (" Enseignement du Breton aux bretonnants ") que la pensée (du « Maître » ?) se dévoile :

" Il importe en outre que ceux qui sont appelés à constituer l'élite intellectuelle de la Bretagne bretonnante soient mis sérieusement au courant :

1° de l'état actuel du breton, des dangers qui le menacent, des avantages et des défauts de chaque dialecte ;

2° de ce qui a été fait jusqu'ici pour la culture de la langue bretonne ;

3° de ce qui reste à faire.


État actuel du Breton

Il est caractérisé par :

1° La multiplication des dialectes de plus en plus divergents ;

2° L'infiltration sans cesse croissante de mots, tournures ou expressions empruntées au français ou calquées sur lui


Partout et toujours ces deux faits ont été dans les langues les symptômes de l'état d'abandon et de déclin. Ils témoignent :

a) de l'affaiblissement ou de la disparition du sentiment national, de la fierté de la race et de la civilisation ;

b) de la perte de l'unité ou de l'indépendance politique ;

c) de l'absence de tout enseignement, de toute culture littéraire ;

d) de l'absence d'une élite dirigeante, d'une métropole commune, centre d'attraction et de régularisation ;

e) de la sujétion à une langue, à une littérature et à une civilisation étrangère, et du prestige que celles-ci exercent au détriment de la langue et la culture indigène. " 23



Les problèmes sont mis en gras par l'auteur
« anonyme », les remèdes découlent évidemment des problèmes.

A noter, dans le Breiz Atao où commence la série, le dessin d'une Bretonne, en costume traditionnel, balayant la Bretagne d'un balai énergique, avec le commentaire : " B.A. est le seul journal de Bretagne qui ose dire la vérité sur le rôle de la France en Bretagne " 24.


Un problème :

« Pollution par les termes et expressions étrangères

(…) Dans une telle situation, le purisme érigé à l'état de loi apparaît comme le seul moyen de conserver la celticité de notre langue. Il faut expulser du breton tout cet énorme amas de mots français inutiles qui le surcharge et le dénature, amas qui est le fruit de la vanité, de la sottise, de l’ignorance, et aussi du désir de corrompre systématiquement le breton dans le but de hâter sa disparition (…) » 25


Un remède :

« Règles à suivre dans l'élimination des termes étrangers

(…) Tous les mots qui se sont implantés dans l’usage au détriment des mots vraiment bretons et celtiques doivent être pourchassés sans pitié et expulsés, non seulement de la langue littéraire, mais de la langue usuelle, familiale.

(…) Élimination des termes étrangers, formation d’un vocabulaire, supposent la ruine du prestige dont jouissent indûment la langue et la civilisation française, en d’autres termes supposent la naissance d’un sentiment celto-breton, très intense. Aucun résultat durable et sérieux ne peut être atteint sans l’existence d’un tel sentiment. » 26

« pourchassés sans pitié et expulsés », il faut garder cette expression à l’esprit, pour ce qui viendra. Pour l’heure, la tâche de Breiz Atao est d’inverser les termes idéologiques, de renommer le blanc en noir, d’arriver à « la ruine du prestige dont jouissent indûment la langue et la civilisation française », de créer des « mythes nationaux », comme l’expliquera Mordrelle en 1981 :

«  les mythes jouent un rôle moteur dans l’histoire, non pas parce qu’ils expriment une vérité historique, mais parce que les gens y croient et y puisent des raisons d’agir ou d’espérer. (…) Avant Breiz Atao, les mythes de la légende française, seuls, avaient cours (…) Nous leur avons préféré le roi Nominoë, fondateur de la monarchie bretonne et de la nation bretonne continentale ; Lez-Breizh, Jeanne-la Flamme, Jean IV, Anne, la vraie, défenseurs de l’indépendance ; Le Balp, Pontcallec, la Rouërie, les chouans, Breiz Atao, Gwen-ha-Du et cette page déjà légendaire qu’a écrite le FLB ! » 27


Une constatation, et une méthode :

« L’absence pendant dix siècles d’une élite de langue bretonne et, par suite, d’une littérature (…)

C’est par des séries de textes modèles sur des sujets intéressants destinés aux enfants des écoles, où ces mots reliés entre eux par le solide ciment de la syntaxe seront commentés en note, que l’on fera peu à peu de cette poussière une langue véritable, riche, unie, cohérente et forte, en un mot ce que le breton serait resté s’il n’avait pas été pendant dix siècles complètement abandonné par les classes dirigeantes, par l’élite intellectuelle de la Bretagne. » 28

Les Bretons étant venus en Armorique au Vème siècle, le breton se désagrège depuis le Xème siècle : les « Français » ne sont pas très efficaces, dans leur complot immémorial. Le royaume doré est donc le plus profond de la nuit du Moyen-Age, au plus profond des invasions barbares. Il faut conserver aussi cela à l’esprit, pour comprendre le « celtisme ».

Et que donc, si « le breton (...) pendant dix siècles complètement abandonné par les classes dirigeantes, par l’élite intellectuelle de la Bretagne. », n’est pas la langue de cette noblesse « bretonne » française, « L’Histoire de la Bretagne » aujourd’hui promotionnée est, de l’aveu de « l’anonyme » auteur, celle de la noblesse française en Bretagne, pendant huit siècles, jusqu’à la maudite Révolution Française de 1789, et la maudite École Publique Laïque qu’elle a engendrée…


Le cœur de la stratégie :

«  Refaire une élite intellectuelle bretonnante

Tout le monde est d’accord sur la nécessité et l’urgence d’enseigner le breton dans les écoles. Mais cela ne suffit pas. Maintenant plus que jamais en Europe une langue ne peut se maintenir et prospérer que si sa conservation, son développement et sa culture sont assurés par une élite.

(…) il faut viser à reformer une élite intellectuelle bretonne, une société bretonne, c’est à dire un groupement de familles aisées et instruites de langue et de culture bretonnes. » 29

Au vu des développements réels qui se sont produits, faut-il qualifier le modèle développé en conformité avec ces objectifs de « lebensborn » idéologiques ? Il sera concrétisé par " l’école en breton " de Plestin, de 1942 à 1944, pour les enfants de dirigeants du PNB.


Le dernier développement de l’auteur « anonyme » confirme les objectifs déjà totalitaires :

« Développer le goût de l’action, l’aptitude à l’action

Méditer ce passage de Dauzat, La Vie du Langage, p 197 :Aucune langue, par elle-même, n’est mieux armée pour la vie que ses voisines. Celles qui deviennent victorieuses bénéficient toutes de circonstances externes : l’intelligence du peuple qui la parle, sa civilisation, sa force d’expansion et de conquête – (c’est-à-dire sa force de caractère, son énergie, son goût pour l’action, et son aptitude à l’action). (…) ’ » 30


En face de cet article « anonyme », un article : « Gandhi, gant R. L. Hemon ». Cet article est cité pour sa défense. Mais ce qui est la mise en application par Roparz Hemon de ce programme de " goût pour l’action ", c’est une conception bien précise de la « poésie » :

Plus tard, en août 1944, au moment de traduire en actes son sens du sacrifice personnel, Roparz Hemon s’exonèrera de ce sort, en s’enfuyant avec les S.S. de la Formation Perrot, « sur les routes de l’Allemagne » (nazie) 34. Ce qui fait une autre rime. Ce sont ses compagnons de voyages, (la piétaille du « Bezen Perrot », qu’il avait entraîné dans sa politique) qui seront fusillés. Pas lui.

Mais, en mars 1926, il s’agit d’un programme issu du maurrassisme, et sérieux, qui sera mis en oeuvre en 1940.


20 Olier Mordrel, L'Idée Bretonne, p 103
21 Breiz Atao65, mai 1924, p 424-425 ; Breiz Atao656, juin 1924
22 " Enseignement du Breton aux non bretonnants ", Breiz Atao n° 56-57, août – septembre 1923, p 356-357
23 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 58-59-60, octobre – novembre – décembre 1923, p 370
24 Breiz Atao n° 56-57, août – septembre 1923, p 360
25 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 58-59-60, octobre – novembre – décembre 1923, p 370
26 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 61-62, janvier – février 1924, p 386
27 Olier Mordrel, L'Idée Bretonne, p 132-134
28 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 61-62, janvier – février 1924, p 387
29 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 61-62, janvier – février 1924, p 387-388
30 " Enseignement du Breton aux bretonnants ", Breiz Atao n° 61-62, janvier – février 1924, p 388
31 Breiz Atao n° 76, avril 1925, p 556-558
32 Olier Mordrel, L'Idée Bretonne, p 167
33 Breiz Atao n° 87, mars 1925, p 655
34 voir La fuite chez les nazis, l'accord avec Doriot

 

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